Le désenfumage naturel : illustration par la simulation

Pourquoi désenfumer un bâtiment ?

Les fumées constituent un risque majeur dès les premières phases d’un incendie. Elles se déplacent rapidement, entravent la visibilité des occupants et peuvent s’avérer particulièrement nocives pour l’organisme. Ainsi, le désenfumage des bâtiments est un élément clé de la sécurité incendie.

En bref, un système de désenfumage :
  • limite la propagation de l’incendie,
  • sécurise l’évacuation des occupants,
  • facilite l’intervention des secours.
Désenfumage naturel d’un escalier.
Illustration issue du Livre Blanc du désenfumage naturel [1].

Comment désenfumer ?

L’idée est d’être capable d’extraire rapidement du bâtiment une partie des fumées générées, afin d’éviter que celles-ci s’accumulent et viennent remplir le local concerné. Il est aussi souhaitable de limiter la propagation des fumées vers d’autres zones.

Les fumées sont donc balayées en créant une évacuation en partie haute et une amenée d’air neuf en partie basse. Trois méthodes peuvent être distinguées selon le type d’extraction ou d’amenée d’air :
  • désenfumage naturel : les connexions vers l’extérieur se font sans assistance mécanique,
  • désenfumage mécanique : apport et extraction de l’air de manière mécanique,
  • un couplage des deux méthodes précédentes : typiquement une amenée d’air naturelle et une extraction mécanique.
La mise en place de désenfumage naturel est souvent moins onéreuse. Mais, selon la situation, ce dispositif n’est pas toujours adapté ou efficace.

Que dit la réglementation ?

Etant donnée la criticité du sujet, il est logique qu’en France le désenfumage soit encadré par la réglementation. Des textes imposent, selon le type de bâtiment, certaines mesures quantitatives précises afin de maximiser l’efficacité du désenfumage.

Pour donner des exemples, cela peut correspondre à :
  • respecter une surface utile dédiée aux évacuations de fumées,
  • mettre en place des écrans de cantonnement pour canaliser les fumées…
Par ailleurs, une méthode de désenfumage particulière n’est pas systématiquement préconisée.

La réglementation ouvre également la porte à l’utilisation de l’ingénierie de désenfumage afin de prouver la sécurité d’une zone. Il s’agit alors principalement d’être capable de simuler le contrôle des fumées pour valider sa pertinence.

Dispositifs pouvant être imposés par la réglementation.
Illustration issue du Livre Blanc du désenfumage naturel [1].

Simuler pour mieux concevoir

La propagation des fumées est un phénomène complexe qu’il n’est pas toujours facile d’appréhender. La simulation numérique est alors un outil pertinent pour nous aider à y voir plus clair.

Par exemple, dans les simulations (simplifiées) ci-dessous, nous visualisons l’impact de la suppression des amenées d’air pour le désenfumage naturel d’un local.

Simulations 2D de Mécanique des Fluides Numérique (réalisées avec OpenFOAM). Injection d’un débit constant d’air chaud dans un local rectangulaire.

Deux configurations sont étudiées :
  • Haut : désenfumage naturel classique,
  • Bas : évacuations en partie haute, sans amenées d’air en partie basse.

L’air chaud injecté au niveau du sol (inlet, en rouge) peut être assimilé à de la fumée (dégradé jaune-orange-noir). Seul l’intérieur du local est simulé, mais celui-ci est connecté à l’extérieur via les ouvrants (outlets, en bleu). Ainsi, l’air intérieur peut s’échapper du local, et de l’air frais de l’extérieur peut également entrer dans le domaine (dégradé bleu). La direction des échanges au niveau des ouvrants est matérialisée par les flèches.

Comme les gaz chauds montent naturellement vers le plafond (c’est la poussée d’Archimède !), nous pourrions naïvement penser que des exutoires seront suffisants pour évacuer les fumées. Mais les simulations ci-dessus affichent une nette différence. Les amenées d’air sont indispensables pour créer un balayage des fumées. Notons que le flux d’air entrant en partie basse n’est pas imposé : le tirage thermique se met en place naturellement (on parle aussi d’effet cheminée). Au final, sans les amenées d’air, la situation ne semble pas sécuritaire car le local est tout de même envahi par les fumées.

Cet exemple met en évidence le fait que la simulation numérique peut aider à comprendre les dynamiques mises en jeu lors d’un incendie. Ceci afin de concevoir des solutions techniques pertinentes pour chaque bâtiment.

Ce type d’outil permet de tester l’impact de différentes configurations sur la sécurité d’un bâtiment. Par exemple :
    • l’influence des pertes de charges liées à des conduites sur le système de désenfumage,
    • ou encore les effets du vent selon sa direction et son intensité…
Simulations 2D de Mécanique des Fluides Numérique (réalisées avec OpenFOAM). Injection d’un débit constant d’air chaud dans un local carré. Situation figée après quelques secondes de simulation.

Deux configurations sont étudiées :
    • Gauche : désenfumage naturel classique.
      L’air chaud est évacué par balayage (du bas vers le haut) et l’ambiance reste stratifiée.
    • Droite : ajout d’une surpression au niveau de l’ouvrant en position haute (pouvant être assimilée à du vent).
      La prise en compte du vent change totalement la dynamique de l’écoulement. L’air chaud est refoulé à l’intérieur du local et l’ambiance est déstratifiée
Ce dernier exemple illustre le fait que le vent peut avoir un impact majeur sur la stratégie de désenfumage. C’est d’ailleurs une des préoccupations de la construction dans un milieu tropical, comme La Réunion.

Ne croyez pas tout ce que vous voyez (même si c’est joli)

Même si les vidéos ci-dessus permettent de mettre en évidence des phénomènes établis, celles-ci ont peu de crédibilité d’un point de vue numérique. Il s’agit de simulations 2D (peu représentatives du monde dans lequel nous vivons) avec des approximations importantes de modélisation.

Les résultats numériques doivent donc toujours être interprétés avec prudence !

C’est pour cela qu’il est indispensable de connaître et de maîtriser les modèles mis en jeu avant d’en tirer des conclusions. Aussi, la simulation numérique reste complémentaire des expérimentations qui permettent de calibrer, améliorer et valider les modèles. Elle reste néanmoins un outil d’avenir pour la sécurité incendie des bâtiments.

[1] Groupement GIF, affilié à la Fédération Française des Métiers de l’Incendie (FFMI). Le livre blanc des résultats de l’étude Osmose [Livre blanc]. Récupéré le 07-08-2023 de la FFMI : https://www.ffmi.asso.fr/le-livre-blanc-du-desenfumage-naturel/

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